VINGEANNE

Mobilite et E-commerce

Jean-Claude Plâ, P-dg de Vingeanne et ex-président d’Astre, explique l'évolution mobile de l'informatique transport. Avec son fils Jérôme, il nous livre sa vision, où le transporteur gagne en indépendance vis-à-vis de ses prestataires comme de ses clients. Et si l'entrepreneur prend un peu de recul sur l'entreprise familiale, c'est pour numériser les échanges de palettes et devenir un « pure player » du e-commerce !



Rendre visite à Jean-Claude Plâ dans son fief de Langres, c’est partir à la découverte d'un homme de transport hors du commun. Un meneur passionné qui rassemble et fait bouger les lignes bien au-delà de sa Haute-Marne natale. Je connaissais le manager récompensé en 2016 par une « Palme du transport ». L'entreprise Vingeanne venait alors de fêter ses 40 ans. La transmission était en cours vers le fils aîné, Jérôme. Lors de la cérémonie, c'est avec une certaine émotion que Jean-Claude Plâ avait parlé de bonheur, de responsabilité, de progression humaine dans une PME. « L'entreprise libérée », comme il l’avait expliqué, voyait la hiérarchie s’estomper, et les hommes acquérir une autonomie certaine. J’avais aussi eu l'occasion de rencontrer le dirigeant à plusieurs reprises lors de ses 10 années passées à la présidence du groupement Astre. J'avais entendu parler de l’aura qu'il continuait à exercer dans la profession, de l'influence positive qu'il avait au sein de France Groupement. Bref, Jean-Claude Plâ avait tendance à tirer les hommes vers le haut, et tout simplement, à œuvrer pour l'image du transport en France.



« Picorer sur les applis les données qui correspondent à nos besoins »




Ce que je connaissais moins, en revanche, c'est le voyageur Jean-Paul Plâ ! En faisant la route depuis la gare de Langres (une ville fortifiée qui vaut le coup d’œil), il me raconte ses six mois et 50 000 km parcourus en camping-car à travers l'Amérique du Nord. Nous évoquons le Japon, le Dakar, et d'autres destinations possibles… Tout en restant au service de la profession, l'entrepreneur souhaite prendre un peu de recul, et laisser à son fils l'espace nécessaire pour s'exprimer en tant que chef d’entreprise. Car Jean-Claude, s'il n'a que 58 ans, compte déjà plus de 40 ans de métier. Le garçon a grandi avec la passion du camion. Il voyageait déjà avec son père à l'âge de 11 ans. A 16 ans, il s'est orienté vers un CAP de conducteur routier, avant d'intégrer l’entreprise familiale après l'armée. « Dès l’origine, je me suis projeté au-delà de la conduite. Je me voyais déjà en gestionnaire. J'avais envie de faire grandir cette entreprise, affirme-t-il. A partir de 1982, nous nous sommes développés à l’international. Jusqu’en 1986, nous avons travaillé exclusivement en sous-traitance. J’ai ensuite commencé à servir une clientèle en direct et en 1987, j'ai arrêté le volant pour m’occuper de l’exploitation à plein temps. J'ai pris les rênes de l’entreprise familiale en 1992 en tant que gérant. Dans le même temps, nous avons intégré Astre. En 1997, nous avons démarré notre activité logistique. Mon fils Jérôme nous a rejoint en 2011, et le second, Cyril, en 2017. Synergie, la holding du groupe Vingeanne, est aujourd'hui détenue par mes deux garçons et moi-même. »

 

 

Des applis à foison

 

Avec Jérôme Plâ, 30 ans et ingénieur de formation, nous entrons rapidement dans le vif du sujet : l'évolution des technologies dans le transport, et plus particulièrement, dans l'entreprise familiale Vingeanne et ses différentes branches de transport et de logistique — La rivière qui traverse le site a donné son nom à la PME. « L'informatique embarquée indépendante de type Transics, telle que nous l’utilisons aujourd’hui, a des soucis à se faire, commence le jeune dirigeant. Entre les solutions sur smartphones qui permettent de communiquer avec les conducteurs et les clients, et les boitiers constructeurs de série dans les véhicules, nous n'aurons bientôt plus besoin d'un ordinateur fixe supplémentaire. » Et de développer la normalisation attendue des solutions natives dans les poids lourds, qui pourront être reliées à une seule plate-forme et aspirer les données des nouveaux tachy numériques communiquant. Les fabricants de véhicules pourraient s'entendre pour échanger leurs informations, mais il est plus probable que les entreprises se tournent vers un agrégateur de données tel que S3PWeb.

 

Quant aux applications mobiles, elles fleurissent dans tous les sens, à l'exemple de Dashdoc, une solution e-CMR qui présente certaines fonctions basiques d’exploitation. Ou encore des solutions de télépéage qui font office d'informatique embarquée simplifiée. Sans compter les applis proposées par les fournisseurs de TMS et d’ordinateurs de bord. Vingeanne utilise le logiciel d'Artagnan de GPI, et 90 ordinateurs de bord Transics Tx-Sky, ainsi que l'apps Tx-Smart de même marque, depuis un an. « Nous fournissons des smartphones Wico à nos chauffeurs, qui peuvent récupérer leurs feuilles de route et valider les opérations sur l'ordinateur fixe et sur leur mobile. Les deux appareils communiquent en Bluetooth et se synchronisent quand le conducteur revient en cabine. Une fois que les hommes seront habitués à ce nouveau processus, nous envisageons de supprimer l'écran fixe », note Jean-Claude Plâ, qui rappelle que les smartphones servent également, depuis trois ans, de support à l'application Astre utilisée dans le cadre de Palet System, dont il a participé à la création. La solution de transport palettisé rassemble 11 hubs et 314 distributeurs en Europe. Grâce à l'outil mobile, elle affiche une traçabilité en temps réel, avec une mise en ligne des preuves de livraison en moins de 15 minutes.



« Si une marge est trop réduite, mieux vaut arrêter un dossier »



 

Par ailleurs, pour gérer les consommations de carburant, le patron prévoit d'exploiter la solution CGI, qui récupère les données techniques des véhicules industriels pour en affiner l'analyse et conduire des formations appropriées, directement auprès du personnel roulant en mode e-learning. « Nous croyons en la pertinence d'un expert en écoconduite externe à l’entreprise, car celui-ci s'appuie sur un référentiel important et pose un regard objectif. » Le coût de la solution, comprise entre 50 et 100 € par conducteur et par an, en fonction des options, s’auto-financerait largement. Notons que CGI travaille en partenariat avec les constructeurs, au premier rang desquels Daf. La marque hollandaise est aujourd'hui très présente dans la flotte Vingeanne, et dans le groupement Astre. « Les transporteurs disposent de nouveaux outils logiciels pertinents et moins chers que l'informatique embarquée, dont les coûts sont toujours ce qu'ils étaient il y a 10 ans ! (1000 à 1500 € pour un boîtier et un coût mensuel d'environ 4000 € pour une centaine de camions), souligne Jean Claude Plâ. Alors qu'en face, on nous propose des solutions de moins en moins onéreuses. Il suffit de picorer à droite et à gauche les données qui correspondent à nos besoins. »

 

Une situation favorable

 

Environ 60 % des clients de Vingeanne reçoivent déjà une facturation dématérialisée, via un intranet où ils récupèrent également les documents de transport. « L'étape suivante, la lettre de voiture électronique, bénéficiera surtout à notre productivité, et aux conducteurs qui n'auront plus de lettre de voiture à écrire. Ils recevront un document pré-rempli avec l’expéditeur, le destinataire, les marchandises. Ils n'auront qu'à valider les quantités et à signer. Le gain de temps sera bien réel. Pour l’heure, nous utilisons l'application de Transics pour photographier les lettres de voiture et les rendre disponibles sur notre intranet rapidement. Mais c'est une tâche supplémentaire pour le personnel roulant. En outre, quand l'écriture manuelle n'est pas très lisible, qu'il manque des informations, et que la qualité de la photo est un peu limite, le document numérique n'est pas d'une fiabilité optimale. »


L'informatique transport et ses indicateurs permettent aussi de mesurer précisément les coûts, notamment les temps d’attente — et de faire respecter des engagements contractuels en exigeant une rémunération. « Si nous avons souffert entre 2008 et 2016, nous sommes aujourd'hui dans une situation plus favorable, estime Jean-Claude Plâ. Nous sommes plus exigeants, quitte à prendre parfois le risque de perdre un client. Les nouvelles générations de transporteurs savent mieux manier les chiffres, et ne pas travailler à perte. Si une marge est trop réduite, mieux vaut arrêter un dossier. » Le Groupe Vingeanne réalise aujourd'hui 2,5 % de bénéfice net, et vise les 5 %.



« Pas un client ne pèse plus de 7 % de notre chiffre d’affaires »



 

Spécialisé en mécanique générale, puis en logistique industrielle et en supply chain management, Jérôme Plâ a appris à travailler dur, à résoudre des équations… Il me montre un ensemble de tableaux Excel et de graphiques, qui récapitulent le CA journalier, la rentabilité hebdomadaire par client, par conducteur, etc. Tous les mois, il sort des statistiques ventilées par activités, dont chacune fonctionne comme un centre de profit : affrètement, parc propre, passages à quai, logistique, atelier, etc. Cette politique permet de challenger chaque responsable, et depuis cette année, d'apporter une prime trimestrielle aux plus méritants. « Mais pour cela, il faut disposer des bons chiffres, fiables et précis, souligne le jeune dirigeant. Nous continuons à améliorer l'édition de tableurs, sur la base des données récupérées dans le TMS GPI, l'informatique embarquée et autres. Nous employons notre propre équipe informatique composée de trois personnes. En logistique, chaque nouveau dossier nécessite un mois de développements spécifiques en moyenne pour construire des interfaces et envoyer des commandes automatiquement en EDI, sans compter les ajustements permanents. » Vingeanne utilise le WMS Speed de BK System, commercialisé par Xyric.

 

 

Indépendance oblige

 

 « Sur le Plan de la clientèle, il fut un temps où nous travaillions à 100 % pour Gefco, reprend Jean-Claude Plâ. Petit à petit, j'ai développé notre portefeuille. Aujourd’hui, pas un client ne pèse plus de 7 % de notre chiffre d’affaires. Limiter la représentation de chaque compte offre deux avantages : quand l'un d'eux prend de l'ampleur, cela nous oblige à développer les autres activités ; et surtout, nous gagnons en indépendance, donc en capacité de négociation tarifaire. » Et de détailler une stratégie « grand angle » : devenir un acteur régional incontournable, entre la Champagne-Ardenne et la Bourgogne, et cela, quelles que soient les marchandises conditionnées en colis ou sur palette : industriel, automobile, bobine, tôles, pièces mécaniques, produits chimiques, grande distribution, agro-alimentaires, articles funéraires, fleurs, livres, textiles…  Vingeanne transport se charge aussi de produits multimédia (DVD, CD), d’invendus de presse et d’électroménager. « Nous visons une répartition en trois tiers de notre CA entre le transport, la logistique, et la commission. En 2018, ces deux dernières représentent respectivement 6 et 4 M€. »

 

Comme nombre de transporteurs, Vingeanne a mis un pied dans l’e-commerce. Mais il est allé plus loin, jusqu’à racheter l'un de ses clients en difficultés financières à la barre du tribunal en 2016, et devenir lui-même un “pure player” ! « Depuis cette année, nous commençons à développer la société e-Tradelog en vendant sur les market place, Amazon, C-Discount, Price Minister, etc, tout en travaillant notre propre plate-forme, Bayapi. Évidemment, ce métier demande beaucoup d’engagement informatique. Il nous donne une vision ‘de l’intérieur’. Il nous permet de proposer des services nouveaux à nos clients, voire de les conseiller, puisque la plupart se développent dans le commerce électronique. L’idée, là encore, est de conserver un peu de marge face aux géants du secteur. »

 

Père et fils s'attendent à « une grosse fin d’année », avec des volumes pouvant se décupler à Noël. C'est avec un regard amusé que Jean-Claude Plâ me fait visiter son entrepôt–boutique, avec des compilations de DVD, des livres religieux, des jouets, des sacs et des chaussures… Pour l'Amazon de Langres, maître de ses moyens, l'entreprise libérée n'a décidément pas de frontières. « À l'ombre des grands, il y a toujours de la place pour les petits », conclut l’entrepreneur.


Wilfried Maisy






Le groupe Vingeanne faits et chiffres


Siège à Longeau-Percey (52)

27 millions d'euros de chiffres d’affaires cumulés — sociétés E-Tradelog (93) ; Béade détenue à 25% (47) ; Convergence (52) ; Vingeanne transports (52) ; Vingeanne 21 ; PLF International (77). 

240 employés,

95 véhicules

25 ans de participation engagée au sein du groupement Astre

Distribue l’offre Palet System depuis sa création en 2001

Adhérent OTRE (organisation des transports routiers européens)

Membre d’Actisud depuis 25 ans

 

 



 

Palbank : une question de réseaux

 

Faciliter les échanges numériques de palettes pour s'affranchir des pertes et des litiges, tel est le principe de Palbank, un outil proposé par la société PFM-Solutions, qui traitera plus de 3 millions de mouvements de palettes en 2018 au service des industriels et de la grande distribution. S’appuyant sur un réseau de 200 points en France, Palbank propose des services de dépose et de reprise de palettes sur un principe bancaire de crédit-débit et de compensation virtuelle. « PFM-Solutions offre un maillage complet du territoire pour déposer ou récupérer vos palettes. La société se charge également de récupérer ou de restituer les supports de manutention chez votre client ou destinataire. Vous communiquez vos « bons palettes » à Palbank qui se charge des opérations. Votre compte Palbank est automatiquement crédité et les palettes disponibles dans l’ensemble du réseau », explique Jean-Claude Plâ, dirigeant de PFM et président de la holding H3P détentrice à 100 % de PFM.  « En outre, le service Compenspal permet de solder virtuellement vos dettes de palettes entre les partenaires PalBank."


Côté actionnariat, c'est du solide. PFM-Solutions et sa holding H3P s'appuient sur les groupements Astre, Astr, Evolutrans, Flo et Tred Union, ainsi que quelques 180 transporteurs adhérents des groupements ou indépendants, et la holding H2P (détentrice des marques B2PWeb, GedMouv et GedTrans). Notons également que l'application a été développée avec le prestataire informatique Xyric.