Les Sinistrés du Tohoku, Nord du Japon



«Le tsunami a changé leur vie »

Des milliers de volontaires ont rejoint le nord-est du Japon après le cataclysme du 11 mars. A Minami Sanriku, ville engloutie, la reconstruction est d’abord humaine.

Minami Sanriku dessine son avenir sur une page blanche. Ce petit port de pêche était au plus proche de l’épicentre du séisme de magnitude 9, suivi un tsunami géant, qui a dévasté la région du Tohoku le 11 mars 2011. Après les violentes secousses, ses 17700 habitants n’ont eu que quelques minutes pour réagir. Des vagues de 15 mètres ont tout balayé, s’engouffrant jusqu’à 6 km dans les terres, le long des rivières. Le sol s’est affaissé de 75 centimètres.

Officiellement, 1206 personnes sont mortes ou portées disparues. Mais pour beaucoup, le bilan est bien plus lourd. La station balnéaire, réputée pour ses algues et ses oursins, son air pur et ses petites plages de rêve, n’est plus qu’un immense terrain vague où domine une odeur de mort, où les rapaces ratissent le ciel.

Répondant à l’appel de solidarité des milliers de sinistrés, autant de volontaires se sont mobilisés pour des périodes allant d'un jour à des semaines. Jeunes en majorité, ils  ont effectué toutes sortes de travaux : nettoyer la boue, déblayer les gravats dans les premières semaines ; venir en aide aux personnes isolées, préparer à manger pour les sinistrés ; organiser l’afflux de dons venant de toutes part, constituer des cartons, les répartir.

Se substituant à la municipalité dévastée – dont le maire est l’un des seuls survivants – les ONG ont pris les choses en main. Après quelques mois, l’urgence passant, le rôle des volontaires a évolué. L’aide psychologique  est devenue une priorité. Bénévoles et sinistrés ont noué des liens très fort, si bien que parmi les premiers, beaucoup sont devenus quasi permanents et envisagent de s’installer Minami Sanriku.

ASAMI

Asami Nagashige, 30 ans, vient de la préfecture de Chiba, près de Tokyo. Puéricultrice de métier, elle prend des congés presque tous les mois pour s'occuper d’enfants de familles sinistrées à Minami-Sanriku, au sein de l’ONG United Earth.

Asami aide au centre culturel « Shizen no ie » (la maison de la nature), transformé en lieu d’hébergement d’urgence. Le centre sert aussi de cantine et de crèche aux familles habitant dans des logements temporaires construits à proximité.

« Je m’occupe d’une dizaine d’enfants, et particulièrement des petites Chigu (2 ans), Chisa (2 ans) et Chihiro (5 ans). Les enfants sont contents d’avoir de la compagnie, mais quand on s’en va, ils sont tristes. Ils nous cherchent. Certains se sentent blessés, et  hésitent à donner leur affection. Ils deviennent distants avec les volontaires. D’où l’importance de s’engager sur le long terme.

On peut penser que les tout petits n’ont pas bien conscience de la catastrophe. A les voir crier « le tsunami est venu », en rire, ou jouer avec les soldats, cela peut paraître anodin. Mais ce n’est qu’une apparence. Certains ont perdu leur grand frère. Ils ont vu leur maison emportée dans les vagues, et ont revu les images en vidéo. Leur monde a disparu du jour au lendemain. Chihiro, par exemple, est prise de panique quand il y a des tremblements de terre. Car malheureusement, les grosses secousses sont très fréquentes depuis le mois de mars.

A force de passer du temps avec eux, les petits se confient davantage. Ils répètent qu’ils ont eu peur. Ils parlent du passé, ils regrettent les fêtes dans leur ancienne école, les feux d’artifice dans la ville, quand elle existait encore… »

SHIGEKI

Shigeki Oku, 26 ans, vient de la préfecture de Kobe. Il est sans emploi.

« Je suis devenu volontaire un peu par hasard.  J’ai un ami étudiant à Sendai dont l’école a été emportée par le tsunami. Lui à survécu, mais se retrouvant sans activité, il s’est engagé dans le bénévolat. Je l’ai suivi. Je suis moi aussi sans emploi fixe.

Je suis ce qu’on appelle un « Freeta », j’alterne les petits boulots depuis la sortie de l’université.  J’ai suivi des études commerciales. Mais pour les jeunes japonais, il est de plus en plus compliqué de trouver un véritable emploi. Surtout pour ceux qui, comme moi, ont redoublé et ont du repasser le concours d’entrée à l’université ! ».

Un peu en marge, Shigeki est sorti  circuit classique, qui veut qu’un étudiant intègre une entreprise à la sortie de l’université pour devenir un « salary man ».

Il a suivi une voie différente. Il a passé une année sabbatique à voyager un peu partout, de l’Amérique du sud et du nord au Moyen-Orient, puis à travers l’Europe et jusqu’en Inde. « Quand on sort des sentiers battus, il est difficile d’y revenir, sourit-il. Mais je ne regrette rien. La société japonaise change. Il est de plus en plus valorisant d’accumuler les expériences, comme le volontariat. Autrefois, ce n’était pas bien vu. Mais depuis le grand séisme de Kobe, et maintenant celui du Tohoku, les mentalités changent. Certaines entreprises incitent leurs employés à s’engager pour autrui et financent même des groupes de volontaires. »

Shigeki compte travailler bénévolement pendant quelques semaines. Il s’est trouvé un rôle à Minami-Sanriku. Engagé avec l’ONG United Earth, il est devenu responsable informatique, chargé de vérifier le bon fonctionnement des ordinateurs reçus en tant que par des fabricants.

SATOSHI

Satoshi Hamamoto, 30 ans, vient de Matsuyama, sur l’île de Shikoku.

Il a créé une entreprise à vocation sociale, Share and Sharity. Volontaire à Minami-Sanriku et Ishinomaki avec les ONG United Earth, Kiva et Green Earth, il multiplie les expériences de bénévolat dans un bus précis : s’enrichir, accumuler les bonnes idées, et développer son propre projet.

« J’ai en tête plusieurs initiatives visant à réduire la famine dans le monde. En résumé, il s’agit d’exploiter des réseaux internet existant dans le Nord pour financer des projets communautaires dans le Sud ; de mettre en relation directe les nécessiteux et les donateurs ou les acheteurs potentiels d’artisanat, par exemple ; de développer de petites industries en utilisant les nouvelles technologies de communication.

L’expérience acquise à Minami-Sanriku me conforte dans cette voie, et me donne des idées. Les gens d’ici sont pleins d’énergie et d’imagination. Ils passent leur temps à explorer de nouvelles solutions pour apporter de l’aide aux sinistrés. Ils exploitent tout ce qui est possible en communication.

Satoshi a connu des expériences humaines fortes, qui lui donnent l’énergie de poursuivre dans cette voie sociale.

« Avant de venir à Minami-Sanriku, j’ai effectué deux séjours en juin et en juillet à Ishinomaki. Là bas, j’ai rencontré une vieille femme sinistrée de 70 ans. Elle vivait seule chez elle, dans une maison à moitié détruite. Sa famille avait péri dans le tsunami. Après un mois, puis deux mois, elle n’avait eu d’échange avec presque personne, restant seule au monde dans un quartier en partie inhabitable. J’ai passé du temps avec elle, elle est devenu mon amie. Cet été, elle est venue me voir à Tokyo. La reconstruction personnelle tient souvent à peu de choses, un échange, un sourire. »

YASUNO

Yasuno Ishii, 23 ans, vient de Tokyo. Etudiante, elle a choisi de faire une pause dans son cursus.  Elle alterne des petits boulots dans des restaurants et des missions de volontariat. Elle a été bénévole d’abord à Tokyo, puis dans le nord-est ou elle a passé plus de deux mois depuis le tsunami.

« Je suis venue à Minami-Sanriku pour comprendre les besoins des sinistrés, et y répondre au mieux. J’ai été surprise par la force morale des gens d’ici. Pour nous volontaires, il ne s’agit pas seulement d’aider les victimes, mais de partager, d’échanger, de construire le futur avec eux. Finalement, j’ai le sentiment d’avoir appris plus que je n’ai donné.

Parallèlement, mon regard sur le bénévolat a changé. J’ai compris, auprès des volontaires et des ONG, toutes les possibilités offertes par ce type d’activités. Certains ont intégré une ONG à plein temps, ou ont crée leur propre « social business ». Ils ont décidé de s’installer à Minami-Sanriku. Pour beaucoup, la reconstruction du pays s’apparente à une construction personnelle. Le tsunami a changé leur vie. »

volontaire reguliere a Minami Sanriku avec United Earth, au sein du programme Kisuna.


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